Cyril Zimmerman, Président de l’ACSEL a convié Benoît Thieulin, Président du CNNum et David Martinon, représentant Spécial pour les négociations internationales concernant la société de l’information et l’économie numérique à débattre des conséquences du TTIP (Transatlantic Trade Investment Partnership) pour le numérique. Placé sous le haut patronage de Franck Riester, député de Seine-et-Marne, ce 3ème Débat de l’ACSEL s’est tenu le 8 octobre à l’Assemblée Nationale.
Le TIPP est un traité de négociation global qui porte sur 40% du PIB mondial et dont l’objet est de lever les barrières non tarifaires afin de faciliter le commerce transatlantique. La question centrale pour le numérique au sein du TTIP est de savoir si il faut en faire un chapitre à part ou au contraire l’intégrer dans chaque chapitre de la négociation.
Les gouvernements nationaux définissent des objectifs communs, des lignes de négociation. C’est la DG13 qui est en charge d’émettre des lignes de négociation pour l’ensemble des pays membres de l’Europe.
La négociation se fait dans un certain secret mais il y a d’ores et déjà des discussions de textes. Ce que l’on sait, explique David Martinon sur ce découpage des sujets entrants ou non dans le champ du TIPP c’est que l’audiovisuel (au titre de l’exception culturelle) et les données personnelles ne sont pas inclus dans le traité. Il y a accord pour discuter de ce qui touche à l’étiquetage électronique, la e-santé, m-santé. La Commission européenne s’oppose par contre à intégrer au traité la production d’indicateurs géographiques.
La question très contestée des arbitrages en dehors de la sphère juridique a aussi été discutée. Instaurés pour assurer une sécurité juridique aux forts investissements ces arbitrages ne semblent pas justifiés en Europe. A ce stade rien n’est tranché précise David Martinon.
Benoît Thieulin, Président du CNNum rappelle qu’une task force a été lancée à l’initiative de Nicole Bricq en France. Le Conseil National du Numérique ayant à charge de représenter l’ensemble des acteurs du numérique a lancé une grande concertation.
Dans son rapport « avis sur le volet numérique du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) » remis le 7 mai 2014, le CNNum craint que le caractère global des négociations n’aboutisse à « sacrifier » le numérique dont les enjeux sont moins lisibles car plus émergents au profit d’autres secteurs.
Au cours de ce 3ème Débat de l’ACSEL, ce sont toutes les disparités culturelles, géographiques, politiques et la situation de déséquilibre des forces sur le numérique entre les Etats-Unis et l’Europe qui ressurgissent à la lumière du TIPP :
– Manque d’experts numériques de haut niveau parmi les négociateurs (le représentant vient du secteur des services financiers)
– Absence du numérique au cœur des stratégies de développement économique des gouvernements européens. David Martinon souligne le basculement entre le poids de Hollywood et celui de la Silicon Valley auprès de l’administration américaine qui a arbitré au profit des entrepreneurs de la Vallée au sujet du piratage.
– Morcellement de l’Europe, le marché unique numérique n’existe pas et il faut faire face à 28 législations
– Déficit de recherches sur les technologies et les usages innovants dans les travaux universitaires
– Captation de la valeur induite par le numérique outre-atlantique et notamment la valeur liée aux données personnelles. Le Safe Harbor n’est pas satisfaisant. D’aucuns font remarquer que si l’Europe fait consensus pour protéger les données, elle a accordé diverses exceptions aux Etats Unis au titre de la sécurité notamment.
– La question de la relocalisation des données dans le cloud a aussi été abordée. Il n’est pas certain que cela soit possible compte tenu des accords conclus au sein de l’OMC
– Enfin, les stratégies « d’optimisation fiscales » si elles ne sont pas uniquement le fait d’entreprises du numérique ont aussi été évoquées. Des progrès sont en cours sur la TVA à l’intérieur de l’Europe et sur l’optimisation fiscale au sein de l’OCDE.
Le Président du CNNum a invité les acteurs du numérique à se mobiliser. Citant Pierre Bellanger et son ouvrage sur la souveraineté numérique (invité du 1er débat de l’ACSEL le 11 juin ) il alerte également sur ce que l’on peut nommer la « plateformisation » de l’économie numérique qui remet en cause les principes de la liberté d’entreprendre et de circulation. La question de l’interopérabilité et de la portabilité des données se posera pour des questions de libertés fondamentales ou de droit de consommation. Il faut instaurer une portabilité notamment des données et ouvrir les plates formes qui sont très verticalisées a-t-il plaidé.
Enfin, il a tenu à rappeler son optimisme quant aux atouts et à la créativité des acteurs français et européens.
David Martinon a invité les acteurs à enrichir le mandat des négociations et à identifier les avantages pour l’industrie du numérique française et européenne qui pourraient être obtenus dans le cadre du traité. Il conclut en disant que si le TIPP ne satisfaisait pas l’Europe il ne serait pas signé. Il y a déjà eu d’autres précédents.
Cyril Zimmermann, Président de l’ACSEL a souhaité que l’Association prenne toute sa part à cette réflexion et qu’à travers l’ACSEL les entreprises se mobilisent.
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