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Le passage les 7 et 8 janvier du Ministre Emmanuel Macron à Las Vegas pour le CES et à San Francisco pour vanter les mérites de l’économie française, me fournit le prétexte pour poser mes réflexions d’entrepreneur français récemment expatrié dans la Sillicon Valley.
Tout d’abord je précise que j’ai choisi de prolonger mon expérience d’entrepreneur aux Etats-Unis afin de profiter de l’opportunité que représente le marché américain pour les sociétés que j’ai fondées. Je n’ai pas eu comme motivation une envie de quitter la France. J’aime mon pays, je lui trouve des qualités et un potentiel uniques. Et mon expatriation ne fait que renforcer cette opinion.
Mais soyons franc, j’ai aussi un certain nombre de frustrations vis-à-vis de la conduite des affaires économiques françaises. Et, comme la plupart de mes homologues je trouve que le coût du travail est beaucoup trop élevé, que les choix fiscaux sont largement anti économiques, que le système éducatif n’est pas adapté à la réalité présente et que la population est incroyablement réticente aux changements… Toutefois, je suis arrivé à San Francisco sans trop d’illusion quant à un paradis de l’entrepreneuriat que je pourrais y trouver. Mes précédentes expériences m’avaient déjà un peu instruit sur certaines réalités américaines. En effet le niveau d’imposition des sociétés et des revenus n’est pas si différent que celui que nous trouvons en Europe. L’ISF, cet impôt décrié comme «anti économique» par nos élites patronales, trouve son équivalent aux Etats Unis sous la forme d’une taxe sur la valeur des biens immobiliers possédés.
Ma surprise depuis quelques mois a été de découvrir de nouvelles similitudes dans les obstacles que doit affronter l’entrepreneur américain et français. J’ai pu constater que la population, californienne en tout cas, n’est pas aussi ouverte qu’on le pense aux changements induits par le laissez faire libéral : les manifestations de chauffeurs anti-Uber existent aussi à San Francisco, et les habitants de la ville ont un fort ressentiment contre AirBnB qu’ils estiment en partie responsable de la hausse des prix de l’immobilier. Une «loi» d’initiative populaire visant à limiter l’activité de AirBnB (Proposition F) n’a d’ailleurs été rejetée que de peu en novembre 2015, et sans doute largement grâce aux 8 millions de dollars en lobbying dépensés sur ce seul dossier par AirBnB. J’ai également pu avoir confirmation de ce que j’avais entendu dire mais pris alors pour une exagération : le coût du travail est incroyablement élevé dans la Sillicon Valley. Un bon développeur informatique junior se recrute à plus de 100 000 dollars de salaire annuel, un responsable marketing ou financier qui sort d’université ne demande pas moins de 80 000 dollars par an! Je n’exagère pas, j’ai les CV et des demandes de salaires à l’appui de mes propos. Cela revient à un cout 50 à 100% plus élevé que celui que je devrais supporter en France, charges sociales incluses.
Comment peut-on alors réussir à créer et développer une entreprise si «facilement» aux Etats Unis? Ou pourquoi cela resterait plus attirant qu’en France? Est-ce lié à un esprit particulier du peuple américain? À certains bénéfices spécifiques de l’héritage protestant? Je ne vais pas convoquer Tocqueville ou Max Weber dans mes considérations. Je m’en tiendrai aux deux explications qui restent les plus évidentes de mon point de vue d’entrepreneur du numérique.
Premièrement, le marché américain offre une facilité impressionnante de financement des projets, non seulement par le capital-risque mais aussi par les banques. Certaines comme la Sillicon Valley Bank prêtent aux entreprises non pas sur la base du bilan des 3 dernières années comme c‘est presque toujours le cas en France, mais sur la base d’un business plan, de la crédibilité de l’entrepreneur et de la probabilité de scénarios stratégiques créateurs de valeur.
Et deuxièmement, les Etats-Unis disposent d’un marché domestique gigantesque sans comparaison possible avec les grands marchés nationaux présents au sein de l’Union Européenne.
Pour rapprocher ces observations de la situation française, le développement du capital risque hexagonal et l’action intense de la BPI me laissent penser que notre pays est sur une très bonne voie et que les projets entrepreneuriaux y sont de mieux en mieux accueillis et financés. En revanche, et c’est tout aussi important, nous ne bénéficions pas d’un marché domestique qui permette de se développer aussi facilement et avec autant de perspectives qu’aux Etats-Unis.
30 ans après son lancement officiel, le marché unique européen n’existe malheureusement toujours pas. Nous restons face à 28 marchés encore très désunis dans bien des domaines (fiscalité, régime de droit d’auteurs, encadrement du marché de la communication, marché des fintech etc.)
Du sol américain, je fais donc un vœu européen. J’espère que Monsieur le Ministre Emmanuel Macron sera aussi convaincant dans son travail auprès de ses collègues des autres Etats européens et de la Commission qu’il l’est auprès des entrepreneurs français et internationaux.
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