Vers un cadre européen harmonisé pour l’économie collaborative
La commission européenne a publié le 2 juin un rapport précisant les orientations pour le développement de l’économie collaborative en Europe. La communication intitulée «Un agenda européen pour l’économie collaborative» fournit des orientations sur les modalités selon lesquelles il conviendrait d’appliquer le droit de l’Union en vigueur à ce secteur. Ces mesures sont destinées à donner un cadre harmonisé des pratiques dans les différents pays. Elles portent sur la législation applicable aux plates-formes, la responsabilité, la fiscalité, le droit du travail et la protection des consommateurs. Pour la commissaire Elżbieta Bieńkowska, chargée du marché intérieur, de l’industrie, de l’entrepreneuriat et des PME : «L’économie collaborative représente une chance à saisir pour les consommateurs, les entrepreneurs et les entreprises à condition que nous la mettions sur les bons rails», c’est l’objectif de la publication de cet agenda européen.
Fournir aux nouveaux acteurs de l’économie collaborative une sécurité juridique est un pré-requis indispensable à un développement harmonieux. Dans son ouvrage « Sharing economy, le numérique au service des échanges collaboratifs » publié en 2014, l’ACSEL relevait déjà la nécessité d’un cadre réglementaire clarifié. Nicolas COLIN y soulignait «Il est temps d’en finir avec ces batailles de réglementations sectorielles, où un lobby s’affronte à un autre et dans lesquelles les pouvoirs publics sont toujours sommés de prendre le parti entre la rente et l’innovation».
L’actualité récente en France ne le dément pas. Lors de la remise du rapport sur les enjeux de l’économie collaborative par le Député Pascal TERRASSE, le Premier ministre Manuel VALLS déclarait être «déterminé à faire de la France une terre d’économie collaborative pour tirer pleinement parti des opportunités en termes de croissance et d’emploi».
L’ACSEL, en sa qualité d’Association fédératrice des acteurs de l’économie numérique, a salué cet engagement qui vise à promouvoir une nouvelle forme de création de valeur partagée et à l’accompagner par la mise en place d’une «régulation sans sur-règlementation».
Depuis, un amendement au Sénat dans le cadre du Projet de loi pour une République numérique introduit de nouvelles contraintes. L’ACSEL a adressé un courrier aux Parlementaires dans la perspective de la commission mixte paritaire qui se réunira prochainement afin de leur rappeler l’ambition du Gouvernement largement partagée par les Français.
Dans un but d’équité de traitement de tous les acteurs économiques, l’ACSEL soutient la volonté d’imposer aux plateformes et acteurs de l’économie numérique la déclaration automatique des revenus dégagés par leurs utilisateurs. Mais l’ACSEL demande également à l’État de prendre ses responsabilités et les mesures nécessaires afin que l’administration dispose des moyens pour collecter ces informations et assurer leur traitement fiscal.
Il serait en effet inconcevable que l’État ne s’équipe pas des moyens humains, technologiques ou n’ait pas recours aux sous-traitants qui permettraient un traitement automatisé des informations transmises par les plateformes et acteurs de l’économie numérique et renonce à l’investissement nécessaire à une meilleure équité fiscale et une collecte plus efficace des taxes et de l’impôt. Et il serait aberrant que ce nécessaire effort de l’État soit remplacé par des obligations administratives de déclaration préalable de la part des utilisateurs.
À cet égard, le dispositif introduit par amendement au Sénat qui obligerait les propriétaires qui louent occasionnellement leur logement à obtenir en mairie un «permis de louer», semble donner un blanc seing à l’État quant à son sous équipement au lieu de l’inciter à se reformer au plus vite. Cette autorisation préalable, qui par son anachronisme rappelle les autorisations administratives d’embauche et de licenciement, n’aurait par ailleurs pour conséquence que de fragiliser la dynamique de l’économie numérique alors que celle-ci pèse déjà plusieurs points de PIB et représente un des rares réservoirs de croissance pour notre pays.