Reinventwork : Valeurs et missions, les axes de redéfinition de l’entreprise
L’Acsel et Numa, avec le soutien de Talentsoft, ont accueilli mardi 19 juin, un nouveau volet de la série Reinventwork, “L’entreprise en mission, impossible ?”, tel était le sujet principal proposé à la dizaine d’intervenants présents pour débattre autour de la direction que doit prendre l’entreprise de demain : au-delà de la Responsabilité Sociétale et Environnementale, comment est exprimée la mission d’entreprise et pour quels résultats concrets ?
La mission de l’entreprise : un outil au service des RH ?
La symbiose entre les salariés et la mission ou la marque employeur est loin d’être une réalité : une étude de Weber Shandwick publiée fin 2017 sur l’alignement des employés vis-à-vis de leur marque employeur, montre que seulement 14% d’entre eux se sentent en accord avec la direction corporate de leur entreprise.
La récente loi Pacte, présentée en Conseil des Ministres par Bruno Le Maire le 18 juin dernier, permet d’instaurer un cadre favorable aux entreprises souhaitant inscrire leur mission dans un statut juridique afin d’expliciter leurs actions en faveur de l’intérêt sociétal. C’est une opportunité de redéfinir l’organisation de l’entreprise et de créer un engagement fort des salariés autour de la mission.
Pour Muriel Barnéoud, directrice de l’engagement sociétal au groupe La Poste, l’engagement dans la mission de l’entreprise c’est avant tout une histoire de point de vue.
La réussite de l’entreprise doit passer par la synchronisation des efforts dans un but, une mission précise. Ainsi, la responsabilité d’une société est assurée lorsque tous ses collaborateurs ont pleinement conscience de l’impact de leur action pour atteindre ce but, qui se doit d’oeuvrer pour un intérêt général. Pour reprendre la parabole des tailleurs de pierre, cette synergie sera atteinte lorsque ces trois artisans auront réalisé que l’objectif n’est pas les moyens, mais la finalité : construire une cathédrale, un édifice érigé sur la base de valeurs communes à chacun.
La plupart des entreprises semblent avoir pris conscience de leur impact sociétal et mesurent pleinement le rôle que peut jouer la mission.
Dans un monde qui se transforme rapidement, avoir une mission claire et partagée peut être une boussole précieuse pour l’entreprise. Victor Genin-Gerbet, directeur RSE, Edenred
Afin d’ancrer une logique de mission menant à une réelle dynamique de développement sociétal et environnemental, et non comme un simple label ou un macaron sans consistance, une communication interne maîtrisée de l’entreprise autour de ses ambitions reste le meilleur atout. La méthode OKR, vous connaissez ?
En termes d’exemple pratique, le cas de La Poste interpelle. Organisme français historique de distribution postal, ses services ne s’arrêtent pas là : distribution de la presse, mais aussi contribution à l’aménagement du territoire en reliant les foyers domestiques les plus éloignés des centres urbains. Sans compter des services bancaires accessibles à tous et des services à la personne inédits, La Poste se distingue par un éventail d’offres destinées à assurer une mission de service public : ces responsabilités, déjà formalisées par un statut juridique dédié, doivent être modulables. L’enjeu est de conserver la mission historique en l’adaptant au monde d’aujourd’hui : concurrence, vieillissement de la population, avancées technologiques.
Mission et valeurs : l’impact sur la politique RH et l’interne de l’entreprise
Encore faut-il ne pas confondre les termes : car si la mission d’une entreprise peut-être assimilée à son but dans un absolu, ce cas de figure ne correspond pas forcément à une réalité pratique.
Si on fonctionne à l’envers avec une mission définie à côté, en laquelle personne ne croit, ça ne sert à rien : cela relève seulement de l’opération de communication. Il faut partir du sens pour définir la mission, d’où l’importance capitale d’une sincérité entre les parties prenantes de l’entreprise. Luc Delage, directeur de cabinet du DG, MAIF
Pour la MAIF, la vision est forcément partagée avec un conseil d’administration composé de clients sociétaires et de salariés : c’est dans ce sens que la loi PACTE, prévoyait de fournir un cadre législatif afin de permettre aux entreprises d’honorer l’exigence de sens et une responsabilité sociétale vis-à-vis de ses talents comme de ses clients. Rendue publique, cette loi permet, entre autres, aux structures privées d’incorporer deux salariés issus de leur organisation dans leur propre Conseil d’Administration si ceux-ci comprennent au moins huit membres extérieurs de l’entreprise, contre une douzaine pour la précédente législation.
Pour Alexandre Pachulski, fondateur de Talentsoft, “incarnation” est le mot clé. L’entreprise, quelle que soit sa taille, se doit d’incarner son leitmotiv au delà de la simple recherche de profit. Les process associés à l’expérience utilisateur, au service du marketing et de la relation clientèle, peuvent-ils être appliqués à l’entreprise à destination de ses collaborateurs ? Dans cette réflexion, l’apport des ressources humaines est incontournable dans l’objectif de faire connaître la mission de l’entreprise à ses effectifs, mais aussi à sa clientèle.
Ce qu’on vit à l’intérieur de l’entreprise, on tient à le communiquer à l’extérieur. On invite pour cela les clients dans nos locaux pour qu’ils puissent faire la différence : au delà de digitaliser le processus, on fait en sorte que les ressources humaines soient directement impliquées dans la promotion des valeurs de l’entreprise. Si on rejoint une boite, c’est qu’avant tout on partage ses intérêts – Alexandre Pachulski, fondateur et directeur produit de Talentsoft
Par extension, une marque-employeur solide élargit le champ de gravité autour d’un annonceur qui tend à attirer des profils qui peuvent s’identifier spontanément à ses valeurs.
Comment véhiculer les valeurs de la mission pour recruter les nouveaux talents ?
Une question se pose donc : les entreprises doivent-elle mélanger leur marque employeur avec leur marque business pour mettre en avant leur mission ? Pour Elsa Groschaus, ce procédé peut porter ses fruits, en témoigne l’essai transformé par la marque française de produits alimentaires Michel & Augustin. Pour la responsable du développement chez Welcome To The Jungle, parvenir à mixer ces deux termes n’est pas une nécessité : il peut revenir à chaque entreprise d’adapter ses process de recrutement pour former et animer une communauté active d’employés. L’objectif ? Développer le potentiel du brand advocacy de ses salariés vis-à-vis des candidats potentiels à l’embauche, et diffuser les valeurs de l’entreprise à mission par le biais de la viralité.
Comment atteindre l’alignement généralisé en intégrant les collaborateurs freelancers ?
Pas de mesures cependant en ce qui concerne l’essor du freelancing, avec des profils de plus en plus flexibles et en connexion avec de multiples projets. Ces “pollinisateurs” sont, contrairement aux idées reçues, généralement en contact prolongé avec certaines mêmes entreprises : ces relations durables et pérennes aboutissent également bien souvent à des embauches en CDI. Dès lors, comment être en mesure d’intégrer efficacement ces effectifs aux valeurs et de les initier aux missions de l’entreprise ?
Une de mes convictions fortes repose sur la création dans les structures privées, à terme, d’un CFO pour Chief Freelance Officer afin élargir le champ d’action des RH, tout en combinant de manière harmonieuse les compétences des collaborateurs externes et internes à l’entreprise. Estelle Zakarian, directrice des ventes, Malt
Loïs Aisa